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ofildmo
21 juillet 2015

LE CIRQUE NATIONAL

   C'était les vacances d'hiver, sans les sports qui vont de pair. Marine et Quentin s'ennuyaient, quand l'occasion se présenta de passer une après-midi récréative avec la venue d'un cirque. Depuis six ans que nous avions emménagé, aucun cirque n'avait été autorisé à s'installer dans nôtre commune. Férus de spectacle ,nous assistions chaque année à la représentation d'une grande famille du cirque. Nous ne pouvions pas rater cette opportunité, je ne me fis donc pas prier. Ce dimanche la séance unique, était à quinze heures, pas question d'arriver en retard.

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   Le chapiteau de petite taille avait été installé sur le parking des routiers, autour de lui trois caravanes et leurs remorques stationnaient. Un poney beige, la robe crasseuse broutait les quelques brins d'herbes qui persistaient. Une chèvre blanche lui tenait compagnie, elle nous observa un instant, puis reprit la répétition de son numéro en esquissant une genou-flexion. En arrivant à proximité du guichet, Quentin eut un mouvement de recul, une dizaine de  personnes faisaient la queue; de très jeunes parents et leurs très jeunes enfants patientaient calmement dans le froid piquant. Prenant sa soeur à témoin, Quentin demanda:

   " Dis Marine, tu as vu la moyenne d'âge?  Je suis même pas sûr qu'ils aillent à l'école, on va se taper la honte! " Ébranlée par les arguments de son frère, Marine ajouta:

   " Je crois qu'il vaut mieux rentrer! En plus, il à l'air trop nul ce cirque; on dirait que le chapiteau va s'écrouler." Je partageais leur avis, mais cherchant toujours à positiver je répondis:

   " Pour une fois qu'un cirque vient chez nous, ça serait dommage de ne pas assister à cette représentation. Et regardez, nous ne sommes pas nombreux, cela ferait trois entrées en moins. Peut-être que les numéros vont nous surprendre! " Dubitatifs, mes deux ados m'emboîtèrent le pas. Le guichet venait d'ouvrir, une jeune femme blonde les cheveux tirés en un savant chignon nous tendit les tickets gradin. Cinq euros la place le tarif bien bas m'interpella.

   Nous gagnâmes nos bancs en prenant soin de laisser les petits et leurs familles s'installer au premier rang. La toile du chapiteau d'un rouge vif, laissait apparaître à différent endroits des accrocs; le vent du Nord s'infiltrait nous glaçant les os. Quentin ne put retenir un soupir de déception la mine renfrognée, il se garda de faire des commentaires inutiles. Face à nous, dans un coin du chapiteau un garçonnet saucissonné dans une combinaison molletonnée, se balançait dans sa poussette essayant de ramener à lui sa totote qui gisait sur le sol. Sa mère, la femme blonde qui nous avait accueillie, ramassa la tétine et lui vissa dans la bouche, sans précaution d'hygiéne particulière.

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   Une musique tonitruante donna le départ du spectacle, sous une lumière crue qui dénonçait la pauvreté du cirque. Le poney crasseux fit son entrée, escorté par un homme le visage bruni par le soleil une cravache à la main, usant de tous ses talents de dresseur pour faire exécuter au pauvre animal toutes sortes de cabrioles. La lanière de cuir qui cinglait l'air et l'arrière-train du poney était un supplice pour nos yeux et nos oreilles. A nôtre grand soulagement le numéro prit fin, et la jeune femme blonde, habillée de façon très légère et bravant la rigueur de l'hiver, vint réchauffer l'atmosphère avec un numéro de rouleau américain.

   Très concentrée, elle sautillait au rythme de la musique sur une planche, manquant chuter à chaque balancement son sens de l'équilibre était précaire.   Une slave d'appaudissements récompensa les efforts de l'artiste, qui disparue derrière les coulisses. Elle réapparut avec quatre tables gigogne, après en avoir disposé une au centre de la piste elle s'écllipsa.

   La biquette blanche et l'homme dresseur investirent les lieus. De sa baguette souple, il l'a guida vers la table, elle y grimpa avec agilité face au public elle s'agenouilla à plusieurs reprises et redescendit. Son dresseur, la poitrine gonflée de fierté rajouta une table plus petite sur la première, et la chevrette répéta son numéro d'équilibriste. Toutes les tables s'empilèrent, la dernière de toute petite taille ne semblait pas inquiéter l'animal qui ne tomba jamais...   Le numéro traînait en longueur, usant nôtre intérêt!

   Le matériel et les exécutants partis, la jeune femme annonça l'entracte. Elle transportait une boîte remplie de fanions à l'éfigie du cirque et des tubes fluorescents, vendus quelques euros. Je donnais un billet à Marine pour acheter deux fanions, chaque famille en faisait autant pour permettre de grossir la recette. Quinze minutes plus tard, le spectacle reprit, toujours accompagné d'une musique assourdissante et de l'homme au visage couleur terre cuite.

   Cette fois-ci, il exécuta un numéro de jonglerie aérienne. Il avait changé de vêtement et portait un tee-shirt blanc à manches courtes; dans son dos une bande de tissu rouge sur laquelle on pouvait lire en lettres noires: CIRQUE NATIONAL. Jongler demande un minimum d'adresse dont il semblait complètement dépourvu! Les quille de bois voltigeaient devant lui, lui échappant pour finir leur course aux pieds du malheureux jongleur. Stoïque, il entreprit pour clore le numéro la voltige de torches enflammées. Le public poussa un cri de frayeur lorsqu'il rattrapa une torche à pleine main du coté flamme, une grimace furtive traversa son visage, cela ne l'empécha pas de continuer, persévérant avec nonchalance.

  

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   Sa partenaire récupéra le matériel et les deux artistes s'éclipsèrent pour revenir avec un numéro de clown bien réalisé. Ils choisirent dans le public un homme et une femme, on nous conduisit sur la piste, je devais pencher mon buste en avant et rester debout jambes droites. Marine et Quentin captivés me faisaient des signes d'encouragements. Le clown, les yeux remplis de malice invita l'homme  s'accrocher à ma taille, le nez à hauteur de mon postérieur. La position inconfortable mais burlesque déclencha le fou-rire de l'assistance.

   Content de son effet, le clown et sa partenaire déplièrent une bâche dont ils nous couvrirent totalement, sous le regard amusé de mes enfants, je me transformais en éléphante aux oreilles très poilues, mes cheveux longs passés dans deux orifices sur le côté donnaient l'illusion de grands poils.      Attrapant mes oreilles velues, le clown secoua ma tête en tous sens, mes pauvres cervicales, à ce train-là il allait me dévisser le crâne. La voix de Marine me parvint, exhortant le clown à arrêter mon calvaire:

   "Arrêtez ! " Hurlait-elle. " Ma mère a les cervicales fragiles, vous allez lui faire du mal! " Le clown m'empoigna par les oreilles, décidé à dompter sa bête curieuse, mon partenaire reçut un coup de pied dans l'arrière-train lui donnant l'impulsion du départ. Marche avant, marche arrière, petit tour sur nous-même tout était prétexte à nous faire perdre l'équilibre pour le plus grand plaisir des enfants. Je ne voyais rien, le plastique opaque de la bâche dégageait une odeur acre de renfermé, et pourtant je riais aux éclats , c'est avec plaisir que j'obéissais à nôtre dresseur.

   Il nous fit gravir trois marches sans trop d'encombres puis les redescendre, je ratais l'une d'elles et m'écrasais lourdement sur mon binome, c'est avec difficulté que nous tentions de nous redresser sous les huées des spectateurs. Un dernier tour de piste et on nous délivra de nôtre seconde peau. Des cris de joie et des applaudissements saluèrent nôtre performance.

   Je regagnais ma place en titubant, comme ivre et tombais dans les bras de mes enfants, amusés par mon show. Sur cette note euphorique la séance prit fin, sur le chemin du retour, mes enfants se félicitèrent d'être restés, ne serait-ce que pour voir leur mère tournée en ridicule.

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ofildmo
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ofildmo
  • Au fil des mots des textes prennent forme, ils sont le reflet des pages de notre vie : joyeux, tristes, inquiétants, ennuyeux (avec des coquilles orthographiques), peu importe le livre de notre destin s'écrit à l'encre de nos veines.
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